Chambre 100
Peter Handke
Notes de création
Tout a commencé par un choc : celui de rencontrer des personnes que la conscience de la mort, de leur propre mort, avait ouvertes à une autre conscience de vie. C’était dans un service de cancérologie, lors d’un atelier d’écriture que je menais avec la Scène Nationale de Blois. Leur parole qui, dans un premier temps, m’avait déstabilisé m’a amené à m’interroger et me recentrer sur ce qui m’est essentiel.
S’est alors imposé une évidence : c’était ici qu’il faisait sens pour l’artiste que je suis de faire expression et création. J’ai donc pris la décision d’axer mon travail autour de différents ateliers d’écriture en milieu hospitalier fondés sur l’importance de la transmission. Depuis deux ans, des patients se disent dans l’idée de se donner à entendre, de donner à entendre ce que l’on tait trop souvent : la maladie qui modifie le regard porté sur son propre corps… qui opère certaines mutations dans la perception de l’essentiel et suscite parfois le désir de s’ancrer autrement dans l’instant.
Une fois ces témoignages recueillis, je les ai laissés résonner avec ma propre histoire pour m’inscrire pleinement dans un acte créatif. Car c’est bien dans une écriture théâtrale que je me suis engagé et non pas dans une pièce-reportage limitée à une accumulation de paroles de patients. Ce théâtre-là n’a aucun message moral à délivrer. Il invite chacun à porter un regard sur son quotidien pour reconsidérer ses propres priorités de vie.
Notes d’écriture
« Les mots ne viennent pas poliment désigner les choses et les remercier d’être là,Ils viennent d’abord les briser et les renverser. » Valère Novarina
Cette écriture est conçue dans son devenir comme une parole en adresse directe aux spectateurs, une parole fondée sur un intime dévoilé avec ou sans pudeur. Cinq personnages s’en emparent pour chuchoter ce que l’on tait, ce que l’on dit quand on se sait aimé.
Pas de scène inscrite dans une « situation dramatique » réaliste, mais une succession de séquences dont l’architecture compose une théâtralité distanciée. Dès le prologue, les acteurs revendiquent le fait qu’ils prêtent leur parole à ceux qui en sont privés. S’amorce alors une bascule entre incarnation et énonciation qui n’exclut nullement l’émotion. Peu de dialogues. Le monologue intérieur est au service de la mise en jeu d’une solitude où surgit l’urgence de la prise de parole.
Dans son rythme, ses ruptures ou ses accélérations, la structure de cette écriture détermine son devenir-parole. Mais parce que la thématique du corps altéré est omniprésente, c’est son devenir-corps qui reste, à mon sens, l’enjeu majeur de La chambre 100.
En transparence, la pièce aborde le désir de se raccorder à son nouveau corps, de se réaccorder à un nouveau projet de vie. Cette reconstruction-là s’opère par la parole, par la prise de parole. En ce sens, La chambre 100 parle plus de « mal à dire » que de maladie.
Notes de scénographie
Une certitude : tout traitement réaliste dans l’évocation ou la représentation de l’univers hospitalier est d’emblée écarté.
Le projet scénographique s’envisage avant tout dans l’épure d’une forme légère au service de la retransmission de la parole. De façon récurrente, cette parole évoque un corps confronté à l’isolement, le morcellement et le risque d’effondrement. La scénographie se fonde donc, dans sa symbolique comme dans sa conception, sur le « garde-corps » et plus précisément sur un assemblage de parapets qui, tour à tour, protègent ou contraignent le corps. Quand elle se déploie, cette structure dessine dans une cage de scène vide, différents espaces de jeu. Peuvent s’y accrocher des panneaux translucides derrière lesquels le corps comme la parole se disent ou se cachent.
La notion d’appui ou de non-appui est essentielle. Elle rejoint le travail chorégraphique qui, dans l’échange de contrepoids propre à la danse contact, explore la façon dont les acteurs entrent ou non en relation de soutien avec le personnage en narration.
On prend ce spectacle comme un coup de poing dans un film tourné au ralenti. Tout en douceur. Avec cette pudeur et cette lucidité qui sentent le vécu. (…) Un choc. Il n'est question que de vie. Et d'adhésion au temps présent pour jouir d'elle pleinement. (…) A fleur de peau, les acteurs épatants de sincérité investissent leur rôle de porte-parole.— Le Parisien – janvier 2006
Marie-Emmanuelle Galfré
C'est un véritable travail d'orfèvre qu'a réalisé Vincent Ecrepont. Le mot est terriblement juste. La parole touche au coeur aussi bien qu'à l'esprit. Et l'on ne ressort pas indemne de cette « chambre 100 ». En choisissant une mise en scène sobre et dépouillée, Vincent Ecrepont évite habillement les écueils du voyeurisme et du pathos.— L'observateur – janvier 2006
Patricia Hautte-Pottier
Vincent Ecrepont a tissé une partition délicate, lucide et rythmée, un texte composé avec retenue et justesse.— La Terrasse – avril 2007
Gwénola david
Un très beau texte d'une grande humanité. Ce théâtre-là invite chacun d'entre nous à porter un regard sur son quotidien pour reconsidérer ses propres priorités de vie.— La Marseillaise – juillet 2006
Dany Baychère
Un travail remarquable de pudeur et de sensibilité.— La croix – juillet 2006
Bruno Bouvet
Ce texte est émouvant, poignant, vrai.— La Provence – juillet 2006
Amandine Colin